Inamovibilitatea judecãtorilor
in Carta europeanã privind statutul judecãtorilor, Consiliul Europei,
Strasbourg 8-10 iulie 1998 (French, English)
European Charter on the statute for judges :
https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=DAJ/DOC(98)23&Language=lanEnglish&Ver=original&Site=COE&BackColorInternet=DBDCF2&BackColorIntranet=FDC864&BackColorLogged=FDC864
Council of
Europe, Conseil de l’Europe DAJ / DOC (98) 23
Charte européenne sur le
statut des juges
Activités
pour le développement et la consolidation
de la
stabilité démocratique
Charte européenne
Sur
le statut des juges
et
Exposé des motifs
Strasbourg, 8 - 10 juillet 1998
AVANT PROPOS
Les travaux menés au sein du
Conseil de l’Europe depuis maintenant de nombreuses années sur l’organisation
de la Justice dans un Etat de droit démocratique ont permis d’aborder à de
multiples reprises le thème du statut des juges et les différents aspects de
celui-ci. Il s’agit en particulier des réunions consacrées, au cours des années
passées, au recrutement, à la formation, à la carrière, à la responsabilité et
au régime disciplinaire des juges, réunions dont le rythme s’est accéléré
depuis la fin des années 80 et les profonds changements intervenus à l’Est de
l’Europe.
En 1997 l’idée a fait son chemin de
capitaliser les fruits de cette masse de travaux et de discussions afin de leur
donner une plus grande « visibilité », mais aussi et surtout afin de
donner un nouvel élan à l’effort, jamais terminé, de perfectionnement des
institutions judiciaires comme élément essentiel de l’Etat de droit.
La nécessité d’élaborer une charte
européenne sur le statut des juges a été confirmée en juillet 1997, à l’issue
des travaux d’une première réunion multilatérale tenue à Strasbourg et
consacrée au statut des juges en Europe. Les participants à cette réunion,
originaires de 13 pays d’Europe occidentale, centrale et orientale, auxquels se
sont joints des représentants de l'Ecole Nationale de la Magistrature de France
(ENM), de l’Association Européenne des Magistrats (AEM) et des Magistrats
Européens pour la Démocratie et les Libertés (MEDEL), ont émis le souhait que
le Conseil de l’Europe offre le cadre et le soutien nécessaires à l’élaboration
de la charte.
Sur la base de ces conclusions, la
Direction des Affaires Juridiques a confié à trois experts, venant de la
France, la Pologne et le Royaume-Uni, la rédaction d’un avant-projet de charte.
Cet avant-projet, élaboré au
printemps de 1998, a été soumis aux participants d’une deuxième réunion
multilatérale, également tenue à Strasbourg, les 8-10 juillet 1998, et à
l’issue des trois journées de discussions, le texte, après avoir été amélioré
par un certain nombre d’amendements, a été adopté à l’unanimité.
La valeur de cette Charte ne résulte
pas d’un statut formel qu’elle n’a pas, mais de la pertinence et de la force
que ses auteurs ont entendu donner à son contenu. La connaissance de ce contenu
et une large diffusion de la Charte sont des éléments essentiels pour que sa
dynamique de progrès se concrétise. Elle est destinée aux juges, aux juristes,
aux responsables politiques et plus généralement à toutes les personnes
intéressées aux institutions de l’Etat de droit et de la démocratie.
CHARTE EUROPÉENNE SUR LE
STATUT DES JUGES
Les
participants à la réunion multilatérale sur le statut des juges en Europe,
organisée par le Conseil de l'Europe les 8 - 10 juillet 1998,
Considérant
l'article 6 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des
Libertés fondamentales qui dispose que "toute personne a droit à ce que sa
cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable,
par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi";
Considérant
les Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature
approuvés par l'Assemblée générale des Nations Unies en novembre 1985;
Se référant
à la Recommandation n° R (94) 12 du Comité des Ministres aux Etats
membres sur l'indépendance, l'efficacité et le rôle des juges et ayant fait
leurs les objectifs qu'elle exprime;
Soucieux de
voir rendue plus effective la promotion de l'indépendance des juges, nécessaire
au renforcement de la prééminence du droit et de la protection des libertés
individuelles au sein des Etats démocratiques;
Conscients
de la nécessité que soient précisées dans un instrument destiné à tous les
Etats européens les dispositions de nature à assurer les meilleures garanties
de compétence, d'indépendance et d'impartialité des juges;
Désireux de
voir les statuts des juges des différents Etats européens prendre en compte ces
dispositions pour assurer concrètement le meilleur niveau de garanties,
Ont adopté la présente Charte
européenne sur le statut des juges.
1. PRINCIPES GÉNÉRAUX
1.1. Le statut des juges tend à assurer la
compétence, l'indépendance et l'impartialité que toute personne attend
légitimement des juridictions et de chacun et chacune des juges auxquels est
confiée la protection de ses droits. Il exclut tout dispositif et toute
procédure de nature à altérer la confiance en cette compétence, cette
indépendance et cette impartialité. La présente Charte comporte ci-après les
dispositions qui sont les mieux à même de garantir la réalisation de ces
objectifs. Ces dispositions visent à l'élévation du niveau des garanties dans les différents Etats européens. Elles ne peuvent
justifier des modifications des statuts nationaux tendant à faire régresser le
niveau des garanties déjà atteint dans les pays concernés.
1.2. Dans chaque Etat européen, les principes
fondamentaux du statut des juges sont énoncés dans les normes internes du
niveau le plus élevé et ses règles dans des normes du niveau au moins
législatif.
1.3. Pour toute décision affectant la
sélection, le recrutement, la nomination, le déroulement de la carrière ou la
cessation de fonctions d'un juge ou d'une juge, le statut prévoit
l'intervention d'une instance indépendante du pouvoir exécutif et du pouvoir
législatif au sein de laquelle siègent au moins pour moitié des juges élus par
leurs pairs suivant des modalités garantissant la représentation la plus large
de ceux-ci.
1.4. Le statut offre à tout juge ou toute juge
qui estiment que leurs droits statutaires, ou plus généralement leur
indépendance ou celle de la justice sont menacés ou méconnus d'une manière
quelconque la possibilité de saisir une telle instance indépendante disposant
de moyens effectifs pour y remédier ou
pour proposer d'y remédier.
1.5. Le ou la juge doivent faire preuve dans
l'exercice de leurs fonctions de disponibilité et de respect des personnes en
veillant à maintenir le haut niveau de compétence qu'exige en toute
circonstance le jugement des affaires, jugement dont dépend la garantie des
droits individuels, et à préserver les secrets dont la garde leur est confiée
légalement.
1.6. L'Etat a le devoir d'assurer au juge ou à
la juge les moyens nécessaires au bon accomplissement de leur mission et
notamment au traitement des affaires dans un délai raisonnable.
1.7. Les organisations professionnelles
constituées par les juges et auxquelles ils peuvent tous librement adhérer
contribuent notamment à la défense des droits qui sont conférés à ceux-ci par
leur statut, en particulier auprès des autorités et instances qui interviennent
dans les décisions les concernant.
1.8. Les juges sont associés par leurs
représentants et leurs organisations professionnelles aux décisions relatives à
l'administration des juridictions, à la détermination de leurs moyens et à
l'affectation de ceux-ci sur le plan national et sur le plan local. Ils sont
consultés, dans les mêmes conditions, sur les projets de modification de leur
statut et sur la définition des conditions de leur rémunération et de leur
protection sociale.
2. SÉLECTION, RECRUTEMENT, FORMATION
INITIALE
2.1. Les règles du statut relatives à la
sélection et au recrutement des juges fondent le choix, par une instance ou un
jury indépendants, des candidats sur leur capacité à apprécier librement et de
façon impartiale les situations judiciaires qui leur seront soumises et à y
faire application du droit dans le respect de la dignité des personnes. Elles
excluent qu'un candidat ou une candidate puissent être écartés sur une considération
déterminante tenant à leur sexe, à leur origine ethnique ou sociale ainsi qu'à
leurs opinions philosophiques et politiques et à leurs convictions
religieuses.
2.2. Le statut prévoit les conditions dans
lesquelles est garantie, par des exigences liées aux diplômes obtenus ou à une
expérience antérieure, l'aptitude à l'exercice spécifique des fonctions
judiciaires.
2.3. Le statut assure au moyen de formations
appropriées prises en charge par l'Etat la préparation des candidats choisis à
l'exercice effectif de ces fonctions. L'instance visée au point 1.3. veille à
l'adéquation des programmes de formation et des structures qui les mettent en
oeuvre aux exigences d'ouverture, de compétence et d'impartialité liées à
l'exercice des fonctions judiciaires.
3. NOMINATION, INAMOVIBILITÉ
3.1. La décision de nomination en qualité de
juge d'un candidat ou d'une candidate sélectionnés et la décision les affectant
à un tribunal sont prises par l'instance
indépendante visée au point 1.3 ou sur sa proposition ou sa recommandation ou
avec son accord ou après son avis.
3.2 Le statut détermine les situations dans
lesquelles les activités antérieures d'un candidat ou d'une candidate ou celles
exercées par leurs proches font obstacle, en raison des doutes qu'elles peuvent
légitimement et objectivement susciter sur leur impartialité ou leur
indépendance, à une affectation à un
tribunal.
3.3. Lorsque la procédure de recrutement
prévoit une période d'essai, nécessairement courte, postérieure à la nomination en qualité de
juge avant que celle-ci ne soit confirmée à titre définitif, ou lorsque le
recrutement s'effectue pour une durée limitée pouvant être renouvelée, la
décision de ne pas nommer définitivement ou de ne pas renouveler ne peut être
prise que par l'instance indépendante visée au point 1.3 ou sur sa proposition
ou sa recommandation ou avec son accord
ou après son avis. Les dispositions du point 1.4 sont aussi applicables à la
personne soumise à une période d'essai.
3.4. Le ou la juge en fonction dans un tribunal ne peuvent en
principe faire l'objet d'une nouvelle nomination ou d'une nouvelle affectation,
même en promotion, sans y avoir librement consenti. Il ne peut
être fait exception à ce principe que dans le cas où le déplacement a été prévu
à titre de sanction disciplinaire et a été prononcé, dans celui d'une
modification légale de l'organisation judiciaire et dans celui d'une
affectation temporaire pour renforcer un
tribunal voisin, la durée maximale d'une telle affectation étant strictement
limitée par le statut sans préjudice de
l'application des dispositions du point 1.4.
4. DÉROULEMENT DE LA CARRIÈRE
4.1. Lorsqu'il n'est pas basé sur l'ancienneté,
un système de promotion est exclusivement fondé sur les qualités et les mérites
constatés dans l'exercice des fonctions confiées au juge ou à la juge au moyen
d'évaluations objectives effectuées par un ou plusieurs juges et discutées avec
le ou la juge intéressés. Les décisions de promotion sont alors prononcées par
l'instance visée au point 1.3 ou sur sa proposition, ou avec son accord. Le ou
la juge qui ne sont pas proposés en vue d'une promotion doivent pouvoir former
une réclamation devant cette instance.
4.2. Le ou la juge exercent librement les
activités extérieures à leur mandat, dont celles qui sont l'expression de leurs
droits de citoyen ou de citoyenne. Cette liberté ne peut être limitée que dans
la mesure où des activités extérieures sont incompatibles avec la confiance en
l'impartialité et l'indépendance du juge ou de la juge ou avec la disponibilité
requise pour traiter avec attention et dans un délai raisonnable les affaires
qui leur sont soumises. L'exercice d'une activité extérieure autre que
littéraire et artistique devant donner lieu à une rémunération doit faire
l'objet d'une autorisation préalable dans des conditions fixées par le statut.
4.3. Le ou la juge doivent s'abstenir de tout
comportement, acte ou manifestation de nature à altérer effectivement la
confiance en leur impartialité et leur indépendance.
4.4. Le statut garantit au juge ou à la juge
l'entretien et l'approfondissement des connaissances tant techniques que
sociales et culturelles nécessaires à l'exercice de leurs fonctions par l'accès
régulier à des formations dont l'Etat assure la prise en charge et veille à
l'organisation dans le respect des conditions visées au point 2.3.
5. RESPONSABILITÉ
5.1. Le manquement par un juge ou une juge à
l'un des devoirs expressément définis par le statut ne peut donner lieu à une
sanction que sur la décision, suivant la proposition, la recommandation ou avec l'accord d'une
juridiction ou d'une instance comprenant au moins pour moitié des juges élus,
dans le cadre d'une procédure à caractère contradictoire où le ou la juge
poursuivis peuvent se faire assister pour leur défense. L'échelle des sanctions
suceptibles d'être infligées est précisée par le statut et son application est
soumise au principe de proportionnalité. La décision d'une autorité exécutive,
d'une juridiction ou d'une instance visée au présent point prononçant une
sanction est susceptible d'un recours devant une instance supérieure à
caractère juridictionnel.
5.2. La réparation des dommages supportés de
façon illégitime à la suite de la décision ou du comportement d'un juge ou
d'une juge dans l'exercice de leurs fonctions est assurée par l'Etat. Le statut
peut prévoir que l'Etat a la possibilité de demander, dans une limite
déterminée, le remboursement au juge ou à la juge par la voie d'une action
juridictionnelle dans le cas d'une méconnaissance grossière et inexcusable par
ceux-ci des règles dans le cadre desquelles s'exerçait leur activité. La
saisine de la juridiction compétente doit faire l'objet d'un accord préalable
de l'instance visée au point 1.3.
5.3. Toute personne doit avoir la possibilité
de soumettre sans formalisme particulier sa réclamation relative au
dysfonctionnement de la justice dans une affaire donnée à un organisme
indépendant. Cet organisme a la faculté, si un examen prudent et attentif fait
incontestablement apparaître un manquement tel que visé au point 5.1 de la part
d'un juge ou d'une juge, d'en saisir l'instance disciplinaire ou à tout le
moins de recommander une telle saisine à une autorité ayant normalement
compétence, suivant le statut, pour l'effectuer.
6. RÉMUNÉRATION, PROTECTION SOCIALE
6.1. L'exercice à titre professionnel des
fonctions judiciaires donne lieu à une rémunération du juge ou de la juge dont
le niveau est fixé de façon à les mettre à l'abri de pressions visant à influer
sur le sens de leurs décisions et plus généralement sur leur comportement
juridictionnel en altérant ainsi leur indépendance et leur impartialité.
6.2. La rémunération peut varier en fonction de
l'ancienneté, de la nature des fonctions auxquelles le ou la juge exerçant à
titre professionnel ont été affectés ou encore de l'importance des charges qui
leur sont imposées, appréciées dans des conditions transparentes.
6.3. Le statut prévoit la garantie du juge ou
de la juge exerçant à titre professionnel contre les risques sociaux liés à la
maladie, la maternité, l'invalidité, la vieillesse et le décès.
6.4. En particulier, le statut assure au juge
ou à la juge qui ont atteint l'âge légal de cessation de leurs fonctions après
les avoir accomplies à titre professionnel pendant une durée déterminée le
versement d'une pension de retraite dont le niveau doit être aussi proche que
possible de celui de leur dernière rémunération d'activité juridictionnelle.
7. CESSATION DES FONCTIONS
7.1. Le ou la juge cessent définitivement
d'exercer leurs fonctions par l'effet de la démission, de l'inaptitude physique
constatée sur la base d'une expertise médicale, de la limite d'âge, du terme
atteint par leur mandat légal ou de la révocation prononcée dans le cadre d'une
procédure telle que visée au point 5.1.
7.2. La survenance d'une des causes visées au
point 7.1., autre que la limite d'âge ou le terme du mandat légal, doit être
vérifiée par l'instance visée au point 1.3.
EXPOSÉ
DES MOTIFS
CHARTE
EUROPÉENNE
SUR
LE STATUT DES JUGES
------
1. PRINCIPES GÉNÉRAUX
Le champ d’application de la charte
européenne comprend non seulement les juges professionnels mais aussi les juges
non professionnels. Il est apparu en effet important que certaines garanties
attachées notamment au recrutement des juges, aux incompatibilités, au comportement
en dehors des fonctions ou à la cessation de celles-ci s’appliquent à tous les
juges.
La charte signale cependant de façon
expresse les dispositions qui sont appelées à s’appliquer spécifiquement aux
juges professionnels, cette spécificité étant d’ailleurs inhérente à certaines
notions telles que la carrière, par exemple.
Les dispositions de la Charte
concernent le statut des juges composant toutes les juridictions auxquelles les
personnes sont amenées à soumettre leur cause ou qui sont appelées à juger leur
cause, que ces juridictions soient qualifiées de civiles, pénales,
administratives ou autrement.
1.1. La charte entend définir le contenu du
statut des juges par rapport à des objectifs qu’il s’agit d’atteindre : assurer
la compétence, l’indépendance et l’impartialité que toute personne est en droit
d’attendre des juridictions et de chacun et chacune des juges dont est rappelée
la mission de protection des droits des personnes. Le statut n’est donc pas une
fin en soi mais un moyen d’assurer aux personnes dont la protection des droits
est confiée aux juridictions et aux juges des garanties nécessaires à
l’effectivité de cette protection.
Ces garanties au profit des
personnes résident dans la compétence, au sens de savoir-faire, l’indépendance
et l’impartialité, références positives, puisque le statut des juges doit
tendre à les assurer, et négatives, puisqu’il doit exclure tout ce qui pourrait
altérer la confiance en leur existence.
La question s’est posée de savoir si
les dispositions de la charte devaient se présenter comme impératives,
c’est-à-dire devant figurer obligatoirement dans les statuts nationaux des
juges, ou si elles avaient la valeur de recommandations ne faisant pas obstacle
à l’application d’autres dispositions considérées comme permettant d’assurer
des garanties équivalentes.
Cette dernière solution pouvait être
inspirée par le souci de ne pas stigmatiser des systèmes nationaux où, au-delà
de modalités juridiques peu marquées par des préoccupations de protection
statutaire des juges, la pratique ancienne et constante aboutit cependant à ce
que les garanties soient effectives.
Mais on a aussi fait valoir le point
de vue selon lequel l’absence de dispositifs de type statutaire assortissant
l’exercice, par des autorités politiques, de pouvoirs en matière de nomination,
d’affectation, de promotion ou de cessation de fonctions se traduisait, dans
l’expérience d’un assez grand nombre de pays dont ceux ayant récemment adhéré
au Conseil de l’Europe, par l’ineffectivité des garanties de compétence,
d’indépendance et d’impartialité.
C’est pourquoi, sans donner à ses
dispositions un caractère proprement impératif, la charte les présente comme
étant les mieux à même de garantir la réalisation des objectifs précédemment
énoncés.
Beaucoup de dispositions de la
charte ne peuvent s’appliquer dans les systèmes où les juges sont directement
élus par les citoyens. Il n’était pas possible d’élaborer la Charte en ne
retenant que des dispositions compatibles avec de tels systèmes d’élection, car
on aurait alors abouti à un « plus petit commun dénominateur » fort
modeste. La Charte ne se propose pas non plus « d’invalider » en
quelque sorte les systèmes d’élection qui peuvent être regardés, par les
ressortissants des pays où ils sont mis en oeuvre, comme la quintessence de la
démocratie. Il y a lieu de considérer que ses dispositions s’appliquent autant
que cela est possible aux systèmes d’élections des juges. Par exemple, les
dispositions des points 2.2. et 2.3. (première phrase) sont certainement
applicables par rapport à de tels systèmes, où elles apportent des garanties
heureuses.
Les dispositions de la Charte visent
à l'élévation du niveau des garanties dans les différents Etats européens,
élévation dont l'importance dépendra du niveau déjà atteint dans ces pays. Mais
les dispostions de la Charte ne peuvent en aucune manière servir de fondement à
des modifications des statuts nationaux qui tendraient au contraire à faire
régresser, reculer, le niveau des garanties déjà atteint dans tel ou tel pays.
1.2. L’importance du statut des juges, auquel
est liée la garantie de la compétence, de l’indépendance et de l’impartialité
des juges et des juridictions, conduit à faire figurer ses principes
fondamentaux dans les normes internes du niveau le plus élevé, c’est-à-dire,
pour les Etats européens disposant d’une constitution rigide, dans cette
constitution. Les règles du statut seront quant à elles inscrites dans des
normes du niveau au moins législatif, qui sera en même temps le niveau le plus
élevé pour un Etat doté d’une constitution souple.
Ces exigences tenant au niveau
normatif requis pour l’inscription des principes fondamentaux et pour celle des
règles empêchent que les uns et les autres puissent être modifiés par des
procédures expéditives non proportionnées aux enjeux en cause. En particulier,
le niveau constitutionnel des principes fondamentaux doit empêcher que la
législation adopte des dispositions ayant pour objet ou pour effet de les
méconnaître.
En indiquant le niveau normatif requis
dans l’ordre interne, la charte ne préjuge pas du respect qui est dû, dans cet
ordre, aux dispositions protectrices contenues dans des instruments
internationaux contraignants pour les Etats européens. Elle dispense d’autant
moins de leur respect qu’elle se réfère aux principaux d’entre eux, ainsi qu’il
a été indiqué dans le préambule, comme une source d’inspiration.
1.3. La charte prévoit l'intervention d’une
instance indépendante du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif pour toute
décision affectant la sélection, le recrutement, la nomination, le déroulement
de la carrière ou la cessation de fonctions d’un ou d'une juge.
La formulation retenue vise à
couvrir des situations variées, qui vont du conseil donné par l’instance
indépendante à un organe du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif jusqu’à
la prise de décision elle-même par l’instance indépendante.
Il devait être tenu compte à cet
égard de certaines différences entre les systèmes nationaux. Dans certains
d’entre eux, il serait difficilement admis qu’une instance indépendante se
substitue à l’autorité politique de nomination. Mais l’obligation posée, dans
un tel cas, de recueillir au moins la recommandation ou l’avis d’une instance
indépendante ne peut manquer
d’avoir un
effet très incitatif, sinon en pratique contraignant, pour l’autorité politique
de nomination. Dans l'esprit de la Charte, les recommandations ou avis de
l'instance indépendante ne constituent des garanties que s'ils sont de façon
générale suivis dans la pratique. L'autorité politique ou administrative qui ne
suivrait pas une telle recommandation ou un tel avis devrait à tout le moins
être tenue de faire connaître les motifs de ce refus.
La charte retient une formulation où
l’intervention de l’instance indépendante pourra prendre aussi bien la forme
d’un avis simple que d’un avis conforme, d'une recommandation, d’une
proposition ou encore d’une décision.
La question de la composition de
l’instance indépendante s’est posée. La charte a retenu une formulation suivant
laquelle siègent dans cette instance au moins pour moitié des juges élus par
leurs pairs. Elle n’a donc pas voulu permettre que les juges soient
minoritaires au sein de l’instance indépendante, mais elle n’a pas non plus
entendu imposer qu’ils y soient majoritaires. En présence de conceptions
différentes et de débats philosophiques dans les Etats européens, il a semblé
que la référence à un plancher minimum d’une moitié de juges assurait un niveau
de garanties appréciable tout en respectant les considérations de principe qui
peuvent s’exprimer dans tel ou tel système national.
La charte indique que les juges
siégeant au sein de l’instance indépendante sont élus par leurs pairs. Elle a
considéré que l’indépendance qui doit s’attacher à l’instance en question
excluait que les juges y siégeant soient élus ou désignés par une autorité
politique appartenant au pouvoir exécutif et au pouvoir législatif.
Une telle formule serait en effet de
nature à conférer un caractère partisan à la désignation et au rôle des juges.
Il n’est pas précisément attendu des juges appelés à siéger au sein de
l’instance indépendante qu’ils s’efforcent d’obtenir la faveur de partis
politiques ou d’organes devant eux-mêmes leur désignation ou leur élection à de
tels partis ou à leur action.
Enfin, sans imposer un mode de
scrutin particulier, la Charte indique que les modalités de l'élection des
représentants des juges au sein de cette instance doivent assurer la
représentation la plus large de ceux-ci.
1.4. La charte consacre le « droit au recours » du juge ou
de la juge qui estiment que leurs droits statutaires ou plus généralement leur
indépendance ou celle de la justice sont menacés ou méconnus d’une manière
quelconque devant une instance indépendante telle que celle qui a été précédemment
examinée.
Ainsi, le ou la juge ne sont pas
désarmés face à une atteinte à leur indépendance. Le droit au recours est une
garantie nécessaire, car l’affirmation de principes protecteurs n’est qu’un
voeu pieux s’il n’existe pas en toute circonstance de mécanismes permettant de
garantir leur application effective. L’intervention de l’instance indépendante
dans toute décision concernant le statut individuel du juge ou de la juge ne
couvre pas forcément toutes les hypothèses où l’indépendance de ceux-ci peut se
trouver affectée, et il est indispensable que la saisine de cette instance
puisse aussi intervenir sur l’initiative du
juge ou de la juge eux-mêmes.
La charte précise que l’instance
indépendante ainsi saisie doit disposer de moyens effectifs pour remédier
elle-même, ou proposer à l’autorité compétente de remédier à la situation
affectant l’indépendance du juge ou de la juge. Cette formule tient compte de
la diversité des systèmes nationaux, étant observé que la seule recommandation
d’une instance indépendante à propos d’une situation individuelle a
nécessairement un effet très incitatif en pratique sur l’autorité à laquelle
elle s’adresse.
1.5. La charte énonce les principaux devoirs du
juge ou de la juge dans et pour l’exercice de leurs fonctions. La disponibilité
se réfère à la fois au temps nécessaire pour juger convenablement les affaires
et à l’état d’esprit attentif, en éveil, qui est évidemment requis dans une
tâche aussi importante, puisque c’est au travers du jugement des affaires qu’est
assurée la garantie des droits individuels. Le respect des personnes s’impose
particulièrement dans la situation de pouvoir qui est celle du juge ou de la
juge, et il s’impose d’autant plus que les individus se présentent souvent
devant la justice dans un état de fragilité personnelle. Le devoir de préserver
les secrets dont la garde est légalement confiée au juge ou à la juge est
également mentionné. Enfin, il est indiqué que le ou la juge doivent veiller à
maintenir le haut niveau de compétences qu’exige en toute circonstance le
jugement des affaires. C’est dire à la fois que le haut niveau de compétence,
de savoir faire, sont pour le ou la juge une exigence de tous les instants dans
l’examen et le jugement des affaires, et qu’il leur incombe de maintenir ce
haut niveau sous réserve de l’accès qui doit leur être assuré, comme cela sera
précisé, à des actions de formation.
1.6. La Charte précise que l'Etat a le devoir
d'assurer au juge ou à la juge les moyens nécessaires au bon accomplissement de
leur mission, et notamment au traitement des affaires dans un délai
raisonnable.
Sans l'indication expresse de cette
obligation à la charge de l'Etat, les dispositions relatives à la
responsabilité des juges verraient leurs justifications s'altérer.
1.7. La Charte reconnaît le rôle des
organisations professionnelles constituées par les juges et auxquelles tous les
juges doivent pouvoir librement adhérer, ce qui exclut toute discrimination
dans le droit d’en faire partie, en indiquant qu’elles contribuent à la défense
des droits statutaires des juges auprès des autorités et instances qui
interviennent dans les décisions les concernant. Il n’est donc pas possible
d’interdire aux juges de constituer de telles organisations professionnelles ni
d’y adhérer.
La Charte, sans leur donner
d’exclusivité dans la défense des droits statutaires des juges, indique que
leur contribution à cette défense auprès des autorités et des instances
intervenant dans les décisions concernant les juges doit être reconnue et
respectée. Ceci s’applique notamment en ce qui concerne l’instance indépendante
qui a été visée au point 1.3.
1.8. La Charte prévoit que les juges sont
associés, par leurs représentants, notamment au sein de l’instance visée au
point 1.3, et par leurs organisations professionnelles, aux décisions relatives
à l’administration des juridictions, à la détermination de leurs moyens et à
l’affectation de ceux-ci sur le plan national et sur le plan local.
Sans prendre parti sur une forme
juridique déterminée ni sur un degré de contrainte, il s’agit d’associer les
juges à l’établissement du budget consacré à la justice prise globalement et
aux différentes juridictions prises individuellement, ce qui implique des
procédures de consultation ou de représentation au niveau national et au niveau
local. Ceci s’applique aussi plus largement à l’administration de la justice et
à celle des juridictions. La charte n’exige pas que cette administration
incombe aux juges, mais elle impose qu’ils n’en soient pas tenus à l’écart.
La consultation des juges, par leurs
représentants ou leurs organisations professionnelles, sur les projets de
modification de leur statut ou la définition des conditions de leur
rémunération et de leur protection sociale, y compris la pension de retraite,
doit permettre que les juges ne soient pas tenus à l’écart de la préparation
des décisions dans ces domaines sans, cependant, qu’il y ait empiétement sur le
pouvoir de décider dévolu aux instances nationales constitutionnellement
compétentes.
2. SÉLECTION, RECRUTEMENT, FORMATION
INITIALE
2.1. La sélection et le recrutement des juges
doivent relever d’un choix effectué parmi les candidats par une instance ou un
jury indépendants. Il n’est pas précisé qu’il doit s’agir de l’instance visée
au point 1.3, ce qui ménage la possibilité de recourir par exemple au système
du jury de concours ou de la commission de sélection dès lors qu’ils sont
indépendants. En pratique, la procédure de sélection est souvent distincte de
la procédure de nomination proprement dite. Il est important de préciser les
garanties spécifiques s’attachant à la procédure de sélection.
Le choix effectué par l’instance de
sélection doit reposer sur des critères en relation avec la nature des
fonctions qu’il s’agit d’exercer.
Il s’agit d’abord d’évaluer la
capacité des candidats à apprécier librement les situations qui sont soumises à
un juge ou une juge, ce qui évoque la liberté d’esprit. L'aptitude à faire
preuve de l'impartialité indispensable à l'exercice des fonctions judiciaires
est aussi un élément essentiel. La capacité à faire application du droit
renvoie à la fois à la connaissance du droit et à l’aptitude à le mettre en
pratique, ce qui n’est pas la même chose. La sélection doit enfin s’assurer de
la capacité des candidats à imprégner leur comportement de juge du respect de
la dignité des personnes, qui est essentiel dans une relation de pouvoir et
face à des individus qui se présentent devant la justice souvent en situation
de difficulté.
Enfin, la sélection ne peut reposer
sur des critères de discrimination fondés sur le sexe, l’origine ethnique ou
sociale, les opinions philosophiques et politiques, les convictions
religieuses.
2.2. Il est nécessaire, afin de garantir
l’aptitude à exercer les fonctions de juge, qui ont un caractère spécifique,
que les règles statutaires relatives à la sélection et au recrutement posent
des exigences quant aux diplômes obtenus ou à une expérience antérieure, ce qui
est le cas, par exemple, du mode de recrutement où l’exercice de fonctions à
caractère juridique ou judiciaire pendant un certain nombre d’années est posé
comme condition.
2.3. Le caractère spécifique des fonctions de
juge, où il s’agit d’intervenir dans des situations complexes et souvent
sensibles pour la dignité des personnes implique que l’on ne se contente pas de
la vérification en quelque sorte abstraite de l’aptitude à être juge.
Une préparation des candidats
sélectionnés à l’exercice effectif des fonctions de juge au travers de
formations adéquates est nécessaire. Ces formations doivent être prises en
charge par l’Etat.
La préparation, par ces formations,
à rendre une justice indépendante et impartiale renvoie à la nécessité de
certaines précautions, afin que la compétence, l'impartialité et
l’indispensable ouverture se trouvent garanties tant dans le contenu des
programmes de formation que dans le fonctionnement des structures qui assurent
la mise en oeuvre de ces programmes. Il est donc prévu que l’instance visée au
point 1.3 veillera à l'adéquation des programmes de formation et des structures
qui les mettent en oeuvre aux exigences d'ouverture, de compétence et
d'impartialité liées à l'exercice des fonctions judiciaires. Il faudra qu’elle
dispose des moyens d’y veiller. Ceci veut dire que les règles du statut devront
préciser les modalités d’un contrôle de cette instance par rapport aux
impératifs en cause en ce qui concerne les programmes et leur mise en oeuvre
par les structures de formation.
3. NOMINATION, INAMOVIBILITÉ
3.1. Les systèmes nationaux peuvent distinguer
la procédure de sélection proprement dite de celle de nomination dans les
fonctions de juge et de celle d’affectation d’une personne nommée juge à un
tribunal déterminé. Il importe de préciser que la décision de nomination et
celle d’affectation sont prises par l'instance indépendante visée au point 1.3.
ou interviennent sur sa proposition ou sa recommandation ou avec son accord ou
après son avis.
3.2. La charte a envisagé la question des
incompatibilités. Elle n’a pas retenu l’hypothèse des incompatibilités absolues
qui feraient obstacle, pour des raisons liées aux activités antérieures d’un
candidat ou d'une candidate ou à celles exercées par leurs proches, à une
nomination en qualité de juge. En revanche, elle considère qu’il faut tenir
compte, pour l’affectation à un tribunal, de circonstances telles qu’elles
viennent d’être évoquées lorsqu’elles peuvent légitimement et objectivement
susciter des doutes sur l'impartialité et l'indépendance du juge ou de la juge.
A titre d’exemple, un avocat ou une
avocate ayant précédemment exercé dans une ville ne peuvent certainement être
affectés immédiatement comme juges dans cette même ville, et il est aussi
difficilement concevable qu’une personne soit affectée comme juge au tribunal
d’une ville dont son conjoint ou son père ou sa mère, par exemple, est le ou la
maire ou le député ou la députée. Les règles statutaires doivent donc, pour
l’affectation à un tribunal, prendre en considération les situations de nature
à faire naître légitimement et objectivement des doutes sur l’indépendance et
l’impartialité des juges.
3.3. Dans certains systèmes nationaux, la
procédure de recrutement prévoit une période d’essai postérieure à la
nomination avant que celle-ci soit confirmée à titre définitif, et dans
d’autres une durée limitée des fonctions susceptibles de renouvellement.
Il est nécessaire, dans de tels cas,
que la décision de ne pas nommer définitivement ou de ne pas renouveler ne soit
prise que par l'instance indépendante visée au point 1.3., ou sur sa
proposition, sa recommandation ou après son avis. Il est clair que les
situations de période d’essai ou de renouvellement sont délicates sinon
dangeureuses du point de vue notamment de l’indépendance et de l’impartialité
du juge ou de la juge à l’essai espérant sa confirmation ou du juge ou de la
juge souhaitant son renouvellement. Des garanties doivent donc être prévues à
travers l’intervention de l’instance indépendante. Dans la mesure où la qualité
de juge de la personne soumise à une période d'essai pourrait être discutée, la
Charte précise que le droit au recours prévu au point 1.4. est applicable à une
telle personne.
3.4. La Charte consacre l’inamovibilité des juges, entendue comme
l’impossibilité de donner à un juge ou une juge une nouvelle affectation, de
nouvelles fonctions se substituant aux précédentes, sans que ceux-ci y aient
librement consenti. Des exceptions doivent cependant être admises
lorsque le déplacement du juge ou de la juge, prévu dans le statut national
comme sanction disciplinaire, a été décidé dans ce cadre, lorsqu'intervient une
modification légale de l'organisation judiciaire entraînant par exemple la
suppression d'un tribunal et lorsque le ou la juge sont appelés à aller
renforcer un tribunal voisin en situation de difficulté. Dans ce dernier cas, l’affectation
temporaire doit être d’une durée limitée définie par le statut. Compte tenu,
cependant, du caractère très sensible du déplacement d’un juge ou d'une juge
auxquels ceux-ci n’ont pas consenti, il est rappelé que ceux-ci disposent, en
vertu du point 1.4., d’un droit général au recours devant une instance
indépendante qui peut être ainsi amenée à vérifier la légitimité du
déplacement. C’est d’ailleurs aussi le droit au recours qui
peut permettre de répondre à des situations qui n’ont pu être précisément
prises en compte dans des dispositions de la charte et où un juge ou une juge
se verraient surchargés afin de les empêcher en pratique de conduire
normalement les procédures dont ils ont la charge.
4. DÉROULEMENT DE LA CARRIÈRE
4.1. Sauf lorsque les promotions sont conférées
aux juges strictement sur la base de l’ancienneté, système que la Charte n’a
nullement entendu exclure dans la mesure où il est considéré comme hautement
protecteur de l’indépendance, mais qui implique dans les systèmes nationaux
concernés que la qualité du recrutement soit garantie de façon absolue, il est
important de veiller à ce que, à travers la question de la promotion,
l’indépendance et l’impartialité du juge ou de la juge ne se trouvent pas
atteintes. On doit préciser que ce qui est à craindre ici, c’est autant le ou
la juge illégitimement bloqués dans leurs promotions que ceux excessivement
récompensés.
C’est pourquoi la Charte définit les
critères de promotion exclusivement comme étant les qualités et les mérites
constatés dans l’exercice des fonctions confiées au juge ou à la juge,
appréciés au moyen d’évaluations objectives effectuées par un ou plusieurs
juges, étant ajouté que ces évaluations doivent faire l’objet d’une discussion
avec les intéressés.
C’est sur la base de la connaissance
de ces évaluations que les promotions sont prononcées par l'instance
indépendante visée au point 1.3. ou sur sa proposition, sa recommandation ou
avec son accord ou après son avis. Il est expressément prévu que le ou la juge
qui ne font pas l’objet d’une présentation en vue d'une promotion soumise à cet
examen de l'instance indépendante doivent pouvoir former une réclamation devant
cette instance.
Les dispositions du point 4.1. n’ont
naturellement pas vocation à s’appliquer dans les systèmes où il n’existe pas
de promotion ni de hiérarchie des juges, systèmes qui sont aussi à cet égard
hautement protecteurs de l'indépendance.
4.2. La Charte a envisagé ici la question des
activités menées parallèlement aux fonctions judiciaires. Elle a prévu que le
ou la juge exercent librement les activités extérieures à leur mandat, dont
celles qui sont l'expression de leurs droits de citroyen ou de citoyenne. Cette
liberté, qui constitue le principe, ne saurait se trouver limitée que dans la
seule mesure où des activités
extérieures seraient incompatibles soit avec la confiance en leur impartialité
et leur indépendance, soit avec la disponibilité requise pour traiter avec
attention et dans un délai raisonnable les affaires qui leur sont soumises. La
Charte n’a pas pris parti sur les types précis d’activités. Une appréciation
concrète est nécessaire au regard des effets défavorables des activités
extérieures sur les conditions d’exercice des fonctions judiciaires. La Charte
a prévu que le ou la juge doivent solliciter l'autorisation d' exercer des
activités, autres que littéraires ou artistiques, lorsqu'elles doivent donner
lieu à rémunération.
4.3. La Charte a abordé ici la question de ce
que l’on appelle parfois la « réserve » du juge ou de la juge. Elle a
retenu une position qui découle de l’article 6 de la Convention européenne des
Droits de l’Homme et de la jurisprudence de la Cour européenne relative à cette
disposition en énonçant que le ou la juge doivent s’abstenir de tout
comportement, acte ou manifestation de nature à altérer effectivement la
confiance en leur impartialité et leur indépendance. En se référant au risque
d’une altération effective, la Charte permet d’éviter des rigidités excessives
qui aboutiraient à une mise à l’écart du
juge ou de la juge de la société et de la citoyenneté.
4.4. La Charte prévoit un « droit à la
formation continue» du juge ou de la juge, qui doivent avoir régulièrement
accès à des actions de formations prises en charge par l’Etat et visant à
garantir au juge ou à la juge l’entretien et l’approfondissement de leurs
connaissances tant techniques que sociales et culturelles. L’Etat doit veiller
à l’organisation de ces actions de formation dans le respect des conditions
visées au point 2.3., qui sont relatives au rôle de l’instance indépendante
visée au point 1.3. pour garantir l'adéquation du contenu des actions de
formation et des structures qui les mettent en oeuvre aux exigences
d'ouverture, de compétence et d'impartialité.
Les dispositions figurant aux points
2.3. et 4.4. relatives à la formation définissent des garanties de façon
suffisamment souple pour pouvoir s’adapter à la variété des systèmes nationaux
en matière de formation : école relevant administrativement du ministère de la
Justice, structure placée auprès du Conseil supérieur de la Magistrature,
fondation de droit privé, etc.
5. RESPONSABILITÉ
5.1. La Charte envisage ici la responsabilité
disciplinaire du juge ou de la juge. Elle se réfère tout d’abord au principe de
légalité des sanctions disciplinaires en prévoyant que seuls peuvent donner
lieu à sanction les manquements à l’un des devoirs expressément définis par le
statut et que l’échelle des sanctions susceptibles d’être infligées est
précisée par le statut. La Charte impose par ailleurs des garanties quant à la
procédure disciplinaire : la sanction disciplinaire ne peut être prise que sur
la décision, suivant la proposition, la recommandation ou avec l'accord d'une
juridiction ou d'une instance comprenant au moins pour moitié des juges élus,
et dans le cadre d’une procédure à caractère contradictoire où le ou la juge
poursuivis peuvent se faire assister pour leur défense. Dans le cas où une
sanction est prononcée, son choix dans l’échelle statutaire des sanctions est
soumis au principe de proportionnalité. La Charte a enfin prévu un droit de
recours devant une instance supérieure à caractère juridictionnel contre une
décision prononçant une sanction lorsqu’elle a été prise par une autorité
exécutive, une juridiction ou une instance composée au moins pour moitié de
juges élus.
Dans la formulation qu’elle a
retenue, la Charte n’impose pas que ce recours puisse s’exercer dans le cas où
la sanction a été prise par le Parlement.
5.2. La Charte concerne ici la responsabilité
pécuniaire, civile du juge ou de la juge. Elle pose en principe que la
réparation des dommages supportés de façon illégitime à la suite de la décision
ou du comportement d’un juge ou d'une juge dans l’exercice de leurs fonctions
est assurée par l’Etat. Cela signifie que c’est l’Etat qui, vis-à-vis de la
victime, est en toute hypothèse le garant de la réparation des dommages.
En précisant que cette garantie de
l’Etat s’applique aux dommages supportés de façon illégitime à la suite de la
décision ou du comportement d’un juge ou d'une juge, la Charte ne se réfère pas
de façon nécessaire au caractère fautif de la décision ou du comportement, mais
insiste plutôt sur les dommages qui en sont le résultat et qui sont supportés
« de façon illégitime ». Ceci est parfaitement compatible avec une
responsabilité ne reposant pas sur la faute du juge ou de la juge, mais sur le
caractère anormal, spécial et grave du dommage résultant de leur décision ou de
leur comportement. Ceci est important au regard des préoccupations tenant à ce
que l’indépendance juridictionnelle du juge ou de la juge ne soit pas affectée
au travers d’un régime de responsabilité civile.
La Charte prévoit par ailleurs que,
lorsque le dommage que l’Etat a dû garantir est le résultat d’une
méconnaissance grossière et inexcusable par le ou la juge des règles dans le
cadre desquelles s’exerce leur activité, le statut peut donner à l’Etat la
possibilité de leur demander, dans une limite que ce statut détermine, le
remboursement de la réparation par la voie d’une action juridictionnelle.
L’exigence d’une faute grossière et inexcusable, le caractère juridictionnel de
l’action en remboursement, doivent constituer des garanties significatives pour
éviter un détournement éventuel de la procédure. Une garantie supplémentaire est
constituée par l'accord préalable que doit donner l'instance visée au point
1.3. à la saisine de la juridiction compétente.
5.3. La Charte envisage ici la question des
réclamations, des plaintes des justiciables à l’égard de dysfonctionnements de
la justice.
Le traitement des plaintes est plus
ou moins organisé dans les Etats, et il n’est pas forcément très bien organisé.
C’est pourquoi la Charte prévoit la
possibilité pour toute personne de soumettre sans formalisme particulier sa
réclamation relative à un dysfonctionnement de la justice dans une affaire
donnée à un organisme indépendant. Dans le cas où un examen prudent et attentif
ferait incontestablement apparaître à cet organisme indépendant un manquement
de nature disciplinaire de la part d’un juge ou d'une juge, cet organisme
aurait la faculté d’en saisir l’instance disciplinaire, ou au moins une
autorité ayant compétence, suivant les règles du statut national, pour
effectuer cette saisine. Ni cette instance, ni cette autorité ne serait contrainte
d'adopter la même opinion que l'organisme saisi de la réclamation, et il en
résulte donc des garanties sérieuses contre des risques de dévoiement de la
procédure de réclamation par des justiciables voulant en réalité faire pression
sur la justice.
L’organisme indépendant dont il est
question ne serait pas forcément conçu comme se consacrant spécifiquement à
vérifier l’existence de manquements de la part des juges. Ceux-ci n’ont pas le
monopole des dysfonctionnements de la justice. Il serait donc concevable que ce
même organisme indépendant saisisse de façon analogue, lorsque cela lui parait
justifié, l’instance disciplinaire ou l’autorité de poursuite des avocats, des
fonctionnaires de justice, des huissiers, etc.
Mais la Charte, consacrée au statut
des juges, n’a à envisager plus précisément que la question d’une saisine
concernant un juge ou une juge.
6. RÉMUNÉRATION, PROTECTION SOCIALE
Les dispositions envisagées sous
cette rubrique ne concernent que les juges exerçant à titre professionnel.
6.1. La Charte prévoit que l’exercice à titre
professionnel des fonctions judiciaires donne droit à une rémunération au
profit du juge ou de la juge et que le niveau de celle-ci doit être fixé de
façon à les mettre à l’abri de pressions visant à influer sur le sens de leurs
décisions et plus généralement sur leur comportement juridictionnel en altérant
leur indépendance et leur impartialité.
Il a paru préférable d’indiquer que
le niveau de la rémunération devait être fixé de façon à mettre le ou la juge à
l’abri de pressions plutôt que de prévoir une détermination de ce niveau par
référence aux rémunérations versées aux titulaires de hautes fonctions au sein
du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif, car les titulaires de ces
fonctions sont loin d’être traités de façon comparable d’un système national à
un autre.
6.2. Le niveau de rémunération d’un juge ou
d'une juge comparé à celui d’un autre ou d'une autre juge peut connaître des
variations en fonction de l’ancienneté, de la nature des fonctions auxquelles
ils ont été affectés ou encore de l’importance de charges qui leur sont
imposées, comme les permanences de fin de semaine par exemple. Mais ces charges
justifiant une rémunération plus élevée doivent être appréciées de façon
transparente afin d’éviter des différences de traitement étrangères à des
considérations tenant au travail accompli ou à la disponibilité requise.
6.3. La Charte prévoit le bénéfice de la
sécurité sociale, c’est-à-dire de la couverture des risques sociaux classiques
qui sont la maladie, la maternité, l’invalidité, la vieillesse et le décès, au
profit du juge ou de la juge.
6.4. Elle précise à cet égard que le ou la juge
qui ont atteint l’âge légal de cessation de leurs fonctions après les avoir
exercées pendant une durée déterminée doivent bénéficier du versement d’une
pension de retraite dont le niveau doit être aussi proche que possible de celui
de la dernière rémunération d'activité juridictionnelle.
7. CESSATION DES FONCTIONS
7.1. Une vigilance est requise en ce qui
concerne les conditions dans lesquelles un juge ou une juge sont amenés à
cesser leurs fonctions. Il importe de déterminer de façon limitative les causes
de cessation des fonctions. Ce sont la démission, l’inaptitude physique
constatée sur la base d’une expertise médicale, la limite d’âge, le terme
atteint par le mandat légal lorsque les fonctions s’exercent pour une durée
légalement limitée, enfin la révocation prononcée dans le cadre de la
responsabilité disciplinaire.
7.2. Hormis les causes de cessation des fonctions
qui peuvent être constatées sans difficulté, à savoir la limite d’âge ou le
terme du mandat légal par écoulement de la durée de ce mandat, les autres
causes de cessation des fonctions doivent, lorsqu’elles surviennent, être
vérifiées par l’instance visée au point 1.3. Cette condition est réalisée de
plano lorsque la cessation des fonctions résulte d'une révocation précisément
décidée par cette instance, ou sur sa proposition, sa recommandation ou avec
son accord.
Sursa :
https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1766477&Site=COE