L'aubépine de
la Sainte Vierge Marie (légende), Mai 2015 ( Mater Admirabilis, Mater
Caritatis, Mater Misericordae )
Tout auprès de
la petite ville de P***, au penchant d'une colline, couronnée de sapins et de
châtaigniers, s'arrondit, comme une grosse boule
de verdure, un petit bois de chênes et de hêtres, rempli, suivant la saison, de
rouges-gorges, de rossignols ou de pinsons.
Ces petits musiciens ne sont
pas riches, mais ils payent si bien en chansons l'hospitalité qu'ils reçoivent,
que c'est plaisir de les héberger.
Une vieille maison peuplée d'enfants, comme le bois l'est d'oiseaux, se relie au bosquet par une grande allée de tilleuls. Cette maison, qui a vu passer bien des générations, est habillée à l'antique : fenêtres à croisillons et pignon aigu. Elle porte gaillardement ses quelques siècles et ne s'appuie, que pour la forme, sur une tour, sa contemporaine, comme une duègne sur son bâton.
Devant la tour se dresse un marronnier, dont le temps a creusé le tronc, mais qui, par habitude, reverdit chaque printemps et ressemble à un immense bouquet, quand le soleil d'avril fait épanouir ses longues grappes de fleurs blanches et rosées.
A quelques pas au-delà de la cour, clôturée de verts buissons, se déroule à travers les champs de blé, une belle route, blanche comme un ruban, et parallèlement à la route, un chemin de fer noir et bruyant, l'agitation auprès du calme, le progrès auprès de l'habitude.
Puis, au second plan, des prairies vertes comme l'émeraude, que baigne une fraîche rivière, dans laquelle se mire la ville, paresseusement assise au pied des collines boisées qui ferment l'horizon.
C'est dans ce nid de verdure, qu'habitante d'une grande ville, je viens chaque année passer quelques mois d'été, quelquefois même de printemps, et tâcher d'oublier le bruit des voitures sur le pavé, l'agitation des rues, la lumière des becs de gaz et l'étouffante poussière des promenades.
J'ai là quatre petites cousines, dont l'aînée a sept ans à peine; quand j'arrive, ce petit monde me dévore de caresses.
Cette année, mon voyage avait été avancé, et la voiture me déposa à la porte de M***, le ler Mai à dix heures du soir.
Enfants et oiseaux étaient endormis; mais s'ils se couchent avec le soleil, ils se lèvent en même temps que lui, et ses premiers rayons glissaient à peine entre les fentes de mes volets, quand j'entendis gratter à ma porte.
C'était la petite Jeanne.
« Entre, lui criai-je de mon lit. — Ah! Paresseuse, fit-elle, en s'aidant d'un fauteuil pour monter à l'assaut; allons, viens vite ramasser des fleurs avec moi.— Des fleurs, et pour qui? — Eh! fit-elle, en me regardant avec ses grands yeux étonnés, as-tu oublié que c'est le mois de la sainte Vierge, et que tous les jours nous devons lui porter un bouquet. — C'est vrai, c'est vrai, allons, je me lève, va chercher une corbeille et des ciseaux.
Elle sortit en courant et revint deux minutes après. Quelque diligence que j'eusse faite, je n'étais pas encore prête.
Heureusement, ma malle était ouverte, et pendant que la petite espiègle s'occupait à la fourrager, j'eus le temps de terminer ma toilette.
Une demi-heure après, nous parcourions le jardin, moissonnant roses, lis et lilas.
C'était Jeanne qui portait les fleurs; sa tête blonde apparaissait souriante au milieu des roses qui l'encadraient : j'aurais voulu être Greuze, pour la peindre en ce moment.
« En voilà, assez, lui dis-je. — Nous n'avons pas d'aubépine. — Ce sera pour une autre fois. — Oh! non, répondit-elle, de sa voix grave : la sainte Vierge serait fâchée. — Fâchée, et pourquoi? — Tiens, ta maman ne t'a pas dit que l'aubépine est la fleur qu'elle préfère, parce que c'est la fleur des Anges? — Peut-être que si, mais je l'ai oublié; je vais en couper bien vite, puis nous retournerons à la maison, et pendant que j'arrangerai les bouquets, tu me raconteras l'histoire de la jolie aubépine. — C'est cela, dit-elle d'un air important, mais je la sais bien, et nous ferons venir mes sœurs et mon petit frère, pour qu'ils l'entendent.»
Un instant après, nous étions assises sous le marronnier autour de la corbeille, et pendant qu'Edith et Adèle me présentaient les fleurs une à une, Jeanne me conta sa légende en ces termes. [La suite à demain.)
« Tu sais bien, me dit Jeanne, que la sainte Vierge est la maman du petit Jésus? » Je fis signe que ma science allait jusque-là.
« Quand le petit Jésus vint au monde, dans une pauvre étable, où il n'y avait qu'un bœuf et qu'un âne, les Anges descendirent du ciel, pour appeler les bergers afin qu'ils vinssent l'adorer, et une jolie étoile d'or conduisit, auprès de son berceau, des mages, qui étaient des rois bien bons; mais dans le pays qu'ils traversèrent et qui était le pays des Juifs, il y avait un autre roi bien méchant, qui fut jaloux de cela et qui voulut faire mourir le petit Jésus. Heureusement les Anges qui devinent ce que nous pensons, découvrirent la méchanceté du roi, et l'un d'eux qui était auprès d'Hérode, quand il donna à ses soldats l'ordre de faire mourir tous les petits enfants, ouvrit bien vite ses grandes ailes blanches et vola à la grotte de Bethléem. Quand il arriva, c'était la nuit, et toute la sainte famille dormait. Alors il se pencha sur saint Joseph et lui dit : Le roi Hérode veut faire mourir ton petit Jésus; lève-toi, prends la mère et l'enfant, et partez tous les trois pour la terre d'Egypte. Saint Joseph obéit aussitôt, il éveilla la Sainte Vierge, lui raconta ce que lui avait ordonné l'Ange et, détachant l'âne de la crèche, il lui mit son manteau sur la croupe et une corde au cou. La Vierge Marie, pendant ce temps, pleurait en regardant son fils endormi que les méchants voulaient tuer, et elle attendait que tout fût prêt pour l'éveiller. Mais le petit Jésus n'avait pas besoin qu'on l'avertit, il ouvrit ses beaux yeux et sourit à sa Mère, en lui tendant ses petits bras. Alors, la bonne Vierge cessa de pleurer, et, montant sur l'âne, elle assit l'enfant sur ses genoux et l'enveloppa, le mieux qu'elle put, dans les plis de son manteau. Et l'âne aussitôt, comme s'il eût su où il fallait aller, prit de lui-même la route d'Egypte. Saint Joseph le suivait appuyé sur son bâton, et ils marchèrent si longtemps, si longtemps que, lorsque le jour parut, on ne voyait plus les montagnes de Bethléem, et qu'à la place des champs cultivés, ils n'aperçurent plus qu'une terre stérile, toute de sable et de cailloux.
L'âne marchait toujours, et après les champs de cailloux, il entra dans un grand désert, tout de sable jaune, sans un arbre, sans un buisson, sans un brin de gazon, sans une goutte d'eau. Après le jour vint la nuit ; l'âne marchait toujours. Saint Joseph était bien fatigué, mais il pensait aux soldats qui le poursuivaient peut-être, et pour sauver le petit Jésus, il aimait mieux mourir que de s'arrêter. Depuis le départ de Bethléem, l'enfant dormait sur les genoux de sa Mère qui, elle aussi, était bien fatiguée, car elle n'osait pas faire un mouvement dans la crainte de l'éveiller. — Et l'âne qui marchait tant, interrompit la petite Adèle, il devait être presque mort, lui ? — Chut firent ses sœurs. »
Et Jeanne continua : « Lorsque le matin du second jour arriva... — Mais l'âne, reprit Adèle, que les fatigues de ce pauvre serviteur touchaient vivement, est-ce qu'il pouvait encore marcher ? — Si tu m'interromps toujours, je ne dirai plus rien, fit la narratrice, en jetant un regard sévère sur sa sœur. » Et cependant pour la satisfaire elle ajouta : « L'âne n'était pas fatigué du tout, parce que le bon Dieu le voulait ainsi. » Cette assurance formelle ayant rassuré tout son petit auditoire, Jeanne reprit : « Les voyageurs se retrouvèrent dans le désert, au milieu du sable fin, et toujours sans eau et sans verdure. Bientôt le soleil se leva et il monta lentement dans le ciel bleu, en envoyant des rayons si chauds et si brillants, qu'ils faisaient reluire, comme de l'or, le sable jaune et le rendaient brûlant. La sainte Vierge et saint Joseph souffraient de la faim et de la chaleur ; mais ils se résignaient par amour pour leur enfant, et remplis de confiance dans la protection du ciel, ils priaient au lieu de murmurer. Tout à coup l'âne s'arrêta et refusa d'avancer : on était juste au milieu du désert et à l'heure la plus chaude du jour.
Saint Joseph regarda la Vierge avec inquiétude, la Vierge regarda son Fils avec amour. L'enfant dormait toujours : « Mon enfant, dit tout bas la bonne mère, que voulez-vous que nous fassions? » Le petit Jésus ouvrit les yeux avec un doux sourire et étendit la main. Alors à quelques pas d'eux, les voyageurs virent un buisson rabougri et desséché qu'ils n'avaient pas aperçu. Saint Joseph aida la sainte Vierge à descendre, ils couchèrent l'enfant au pied du buisson sur lequel sa mère étendit son manteau, puis se prosternant, ils adorèrent le petit Jésus. Mais voilà que, lorsqu'ils se relevèrent, au lieu du maigre buisson, ils virent une immense aubépine couverte d'une neige de fleurs parfumée, à l'ombre duquel avait poussé un frais gazon encadrant de fraîche mousse une source limpide et fraîche, et, pendant qu'ils remerciaient Dieu, le ciel bleu s'ouvrit tout à coup, une musique céleste se fit entendre, et des légions d'anges à robes blanches et à ailes d'or s'approchèrent, apportant des fruits délicieux pour assouvir leur faim et leur soif.
Et comme saint Joseph et la Vierge s'étonnaient de ce prodige, le petit Enfant-Dieu, dont la langue se déliait pour la première fois, murmura dans la langue du Paradis : « Ma mère, comme a fleuri sous votre voile blanc cette racine desséchée, ainsi fleuriront pour ma cour éternelle toutes les âmes souffrantes qui chercheront à leurs douleurs un abri dans votre cœur. Telles sont les promesses de mon Père céleste, et pour en perpétuer le souvenir, je veux que ce buisson, dont mes anges porteront des semences par toute la terre, fleurisse désormais dans le mois qui vous sera consacré, et que ses fleurs ornent les autels sur lesquels les hommes régénérés par mon sang placeront votre image, et maintenant, allons où le Seigneur nous envoie afin que sa volonté s'accomplisse. » Alors la Vierge reprit son manteau parfumé dont elle enveloppa avec un saint respect le petit Jésus et, pendant que les voyageurs continuaient leur marche vers la terre d'Egypte, les anges, se partageant les rameaux de l'arbre béni, les emportèrent en chantant. — Tu vois bien, ajouta ma petite cousine en terminant son récit, qu'il ne faut pas oublier de mettre des fleurs d'aubépine dans le bouquet de notre bonne Mère ; mais voici la cloche qui sonne, portons vite nos fleurs à l’autel.»
Nous partîmes en courant pour la modeste église du village, et nous eûmes encore le temps de parer, de notre offrande parfumée, la statue de notre divine Mère qui nous tendait ses bras, et semblait sourire à la blonde enfant dont la bouche venait de me conter la poétique légende. — {L'Ouvrier.) — Maria MaRIQUITA. »
Une vieille maison peuplée d'enfants, comme le bois l'est d'oiseaux, se relie au bosquet par une grande allée de tilleuls. Cette maison, qui a vu passer bien des générations, est habillée à l'antique : fenêtres à croisillons et pignon aigu. Elle porte gaillardement ses quelques siècles et ne s'appuie, que pour la forme, sur une tour, sa contemporaine, comme une duègne sur son bâton.
Devant la tour se dresse un marronnier, dont le temps a creusé le tronc, mais qui, par habitude, reverdit chaque printemps et ressemble à un immense bouquet, quand le soleil d'avril fait épanouir ses longues grappes de fleurs blanches et rosées.
A quelques pas au-delà de la cour, clôturée de verts buissons, se déroule à travers les champs de blé, une belle route, blanche comme un ruban, et parallèlement à la route, un chemin de fer noir et bruyant, l'agitation auprès du calme, le progrès auprès de l'habitude.
Puis, au second plan, des prairies vertes comme l'émeraude, que baigne une fraîche rivière, dans laquelle se mire la ville, paresseusement assise au pied des collines boisées qui ferment l'horizon.
C'est dans ce nid de verdure, qu'habitante d'une grande ville, je viens chaque année passer quelques mois d'été, quelquefois même de printemps, et tâcher d'oublier le bruit des voitures sur le pavé, l'agitation des rues, la lumière des becs de gaz et l'étouffante poussière des promenades.
J'ai là quatre petites cousines, dont l'aînée a sept ans à peine; quand j'arrive, ce petit monde me dévore de caresses.
Cette année, mon voyage avait été avancé, et la voiture me déposa à la porte de M***, le ler Mai à dix heures du soir.
Enfants et oiseaux étaient endormis; mais s'ils se couchent avec le soleil, ils se lèvent en même temps que lui, et ses premiers rayons glissaient à peine entre les fentes de mes volets, quand j'entendis gratter à ma porte.
C'était la petite Jeanne.
« Entre, lui criai-je de mon lit. — Ah! Paresseuse, fit-elle, en s'aidant d'un fauteuil pour monter à l'assaut; allons, viens vite ramasser des fleurs avec moi.— Des fleurs, et pour qui? — Eh! fit-elle, en me regardant avec ses grands yeux étonnés, as-tu oublié que c'est le mois de la sainte Vierge, et que tous les jours nous devons lui porter un bouquet. — C'est vrai, c'est vrai, allons, je me lève, va chercher une corbeille et des ciseaux.
Elle sortit en courant et revint deux minutes après. Quelque diligence que j'eusse faite, je n'étais pas encore prête.
Heureusement, ma malle était ouverte, et pendant que la petite espiègle s'occupait à la fourrager, j'eus le temps de terminer ma toilette.
Une demi-heure après, nous parcourions le jardin, moissonnant roses, lis et lilas.
C'était Jeanne qui portait les fleurs; sa tête blonde apparaissait souriante au milieu des roses qui l'encadraient : j'aurais voulu être Greuze, pour la peindre en ce moment.
« En voilà, assez, lui dis-je. — Nous n'avons pas d'aubépine. — Ce sera pour une autre fois. — Oh! non, répondit-elle, de sa voix grave : la sainte Vierge serait fâchée. — Fâchée, et pourquoi? — Tiens, ta maman ne t'a pas dit que l'aubépine est la fleur qu'elle préfère, parce que c'est la fleur des Anges? — Peut-être que si, mais je l'ai oublié; je vais en couper bien vite, puis nous retournerons à la maison, et pendant que j'arrangerai les bouquets, tu me raconteras l'histoire de la jolie aubépine. — C'est cela, dit-elle d'un air important, mais je la sais bien, et nous ferons venir mes sœurs et mon petit frère, pour qu'ils l'entendent.»
Un instant après, nous étions assises sous le marronnier autour de la corbeille, et pendant qu'Edith et Adèle me présentaient les fleurs une à une, Jeanne me conta sa légende en ces termes. [La suite à demain.)
« Tu sais bien, me dit Jeanne, que la sainte Vierge est la maman du petit Jésus? » Je fis signe que ma science allait jusque-là.
« Quand le petit Jésus vint au monde, dans une pauvre étable, où il n'y avait qu'un bœuf et qu'un âne, les Anges descendirent du ciel, pour appeler les bergers afin qu'ils vinssent l'adorer, et une jolie étoile d'or conduisit, auprès de son berceau, des mages, qui étaient des rois bien bons; mais dans le pays qu'ils traversèrent et qui était le pays des Juifs, il y avait un autre roi bien méchant, qui fut jaloux de cela et qui voulut faire mourir le petit Jésus. Heureusement les Anges qui devinent ce que nous pensons, découvrirent la méchanceté du roi, et l'un d'eux qui était auprès d'Hérode, quand il donna à ses soldats l'ordre de faire mourir tous les petits enfants, ouvrit bien vite ses grandes ailes blanches et vola à la grotte de Bethléem. Quand il arriva, c'était la nuit, et toute la sainte famille dormait. Alors il se pencha sur saint Joseph et lui dit : Le roi Hérode veut faire mourir ton petit Jésus; lève-toi, prends la mère et l'enfant, et partez tous les trois pour la terre d'Egypte. Saint Joseph obéit aussitôt, il éveilla la Sainte Vierge, lui raconta ce que lui avait ordonné l'Ange et, détachant l'âne de la crèche, il lui mit son manteau sur la croupe et une corde au cou. La Vierge Marie, pendant ce temps, pleurait en regardant son fils endormi que les méchants voulaient tuer, et elle attendait que tout fût prêt pour l'éveiller. Mais le petit Jésus n'avait pas besoin qu'on l'avertit, il ouvrit ses beaux yeux et sourit à sa Mère, en lui tendant ses petits bras. Alors, la bonne Vierge cessa de pleurer, et, montant sur l'âne, elle assit l'enfant sur ses genoux et l'enveloppa, le mieux qu'elle put, dans les plis de son manteau. Et l'âne aussitôt, comme s'il eût su où il fallait aller, prit de lui-même la route d'Egypte. Saint Joseph le suivait appuyé sur son bâton, et ils marchèrent si longtemps, si longtemps que, lorsque le jour parut, on ne voyait plus les montagnes de Bethléem, et qu'à la place des champs cultivés, ils n'aperçurent plus qu'une terre stérile, toute de sable et de cailloux.
L'âne marchait toujours, et après les champs de cailloux, il entra dans un grand désert, tout de sable jaune, sans un arbre, sans un buisson, sans un brin de gazon, sans une goutte d'eau. Après le jour vint la nuit ; l'âne marchait toujours. Saint Joseph était bien fatigué, mais il pensait aux soldats qui le poursuivaient peut-être, et pour sauver le petit Jésus, il aimait mieux mourir que de s'arrêter. Depuis le départ de Bethléem, l'enfant dormait sur les genoux de sa Mère qui, elle aussi, était bien fatiguée, car elle n'osait pas faire un mouvement dans la crainte de l'éveiller. — Et l'âne qui marchait tant, interrompit la petite Adèle, il devait être presque mort, lui ? — Chut firent ses sœurs. »
Et Jeanne continua : « Lorsque le matin du second jour arriva... — Mais l'âne, reprit Adèle, que les fatigues de ce pauvre serviteur touchaient vivement, est-ce qu'il pouvait encore marcher ? — Si tu m'interromps toujours, je ne dirai plus rien, fit la narratrice, en jetant un regard sévère sur sa sœur. » Et cependant pour la satisfaire elle ajouta : « L'âne n'était pas fatigué du tout, parce que le bon Dieu le voulait ainsi. » Cette assurance formelle ayant rassuré tout son petit auditoire, Jeanne reprit : « Les voyageurs se retrouvèrent dans le désert, au milieu du sable fin, et toujours sans eau et sans verdure. Bientôt le soleil se leva et il monta lentement dans le ciel bleu, en envoyant des rayons si chauds et si brillants, qu'ils faisaient reluire, comme de l'or, le sable jaune et le rendaient brûlant. La sainte Vierge et saint Joseph souffraient de la faim et de la chaleur ; mais ils se résignaient par amour pour leur enfant, et remplis de confiance dans la protection du ciel, ils priaient au lieu de murmurer. Tout à coup l'âne s'arrêta et refusa d'avancer : on était juste au milieu du désert et à l'heure la plus chaude du jour.
Saint Joseph regarda la Vierge avec inquiétude, la Vierge regarda son Fils avec amour. L'enfant dormait toujours : « Mon enfant, dit tout bas la bonne mère, que voulez-vous que nous fassions? » Le petit Jésus ouvrit les yeux avec un doux sourire et étendit la main. Alors à quelques pas d'eux, les voyageurs virent un buisson rabougri et desséché qu'ils n'avaient pas aperçu. Saint Joseph aida la sainte Vierge à descendre, ils couchèrent l'enfant au pied du buisson sur lequel sa mère étendit son manteau, puis se prosternant, ils adorèrent le petit Jésus. Mais voilà que, lorsqu'ils se relevèrent, au lieu du maigre buisson, ils virent une immense aubépine couverte d'une neige de fleurs parfumée, à l'ombre duquel avait poussé un frais gazon encadrant de fraîche mousse une source limpide et fraîche, et, pendant qu'ils remerciaient Dieu, le ciel bleu s'ouvrit tout à coup, une musique céleste se fit entendre, et des légions d'anges à robes blanches et à ailes d'or s'approchèrent, apportant des fruits délicieux pour assouvir leur faim et leur soif.
Et comme saint Joseph et la Vierge s'étonnaient de ce prodige, le petit Enfant-Dieu, dont la langue se déliait pour la première fois, murmura dans la langue du Paradis : « Ma mère, comme a fleuri sous votre voile blanc cette racine desséchée, ainsi fleuriront pour ma cour éternelle toutes les âmes souffrantes qui chercheront à leurs douleurs un abri dans votre cœur. Telles sont les promesses de mon Père céleste, et pour en perpétuer le souvenir, je veux que ce buisson, dont mes anges porteront des semences par toute la terre, fleurisse désormais dans le mois qui vous sera consacré, et que ses fleurs ornent les autels sur lesquels les hommes régénérés par mon sang placeront votre image, et maintenant, allons où le Seigneur nous envoie afin que sa volonté s'accomplisse. » Alors la Vierge reprit son manteau parfumé dont elle enveloppa avec un saint respect le petit Jésus et, pendant que les voyageurs continuaient leur marche vers la terre d'Egypte, les anges, se partageant les rameaux de l'arbre béni, les emportèrent en chantant. — Tu vois bien, ajouta ma petite cousine en terminant son récit, qu'il ne faut pas oublier de mettre des fleurs d'aubépine dans le bouquet de notre bonne Mère ; mais voici la cloche qui sonne, portons vite nos fleurs à l’autel.»
Nous partîmes en courant pour la modeste église du village, et nous eûmes encore le temps de parer, de notre offrande parfumée, la statue de notre divine Mère qui nous tendait ses bras, et semblait sourire à la blonde enfant dont la bouche venait de me conter la poétique légende. — {L'Ouvrier.) — Maria MaRIQUITA. »
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